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  • Lisa Otjacques

La seconde lettre de Lisa - La réponse aux vôtres

Dernière mise à jour : 16 juin 2020

Le moment est venu de répondre à vos lettres. J'avais écrit une lettre pendant 2h, et puis mauvaise manipulation, j'ai tout effacé. Sans aucune trace. Uniquement ma petite mémoire pour me rappeler la construction de ma lettre. J'y ai mis du coeur, du temps. Et puis plus rien. J'aurai du prendre des précautions. Penser à sauvegarder mes fichiers devrait être un réflexe, comme celui de prendre un masque quand je sors. C'est un peu comme le confinement. Nous avons vécu des moments forts, et puis, le déconfinement arrive et les choses s'effacent peu à peu.


©Lisa Lesourd

"Lundi 15 Juin 2020, 11h55. J'ai l'impression de revivre le décompte. Quasiment 3 mois auparavant. Alors est venu le temps de vous répondre."


Chers colocataires de confinement, désormais colocataires de déconfinement,


Lucette, Muriel, Anne, Sylvie, Mathias, Thomas C, Thomas P, Mathieu, Laëtitia, Maya, Natanaëlle, Célia, Victor, Dominique, Blandine, Jean-Pascal, Théodore, Pauline, Tristan, Basilia, Françoise, Pierre-Emmanuel, Patricia, Marjorie, Typhaine, Laura, Swann.


Et tous ceux qui vont m'écrire, ceux qui ne liront jamais mon appel à lettres, ceux qui n'osent pas, ceux qui préfèrent la plume des autres.


A tous les ex-confinés,


Derrière ces noms se cachent ma mère, ma tante, ma cousine, un ami, une copine, des amis de la famille, des anciens collègues, des autrices et auteurs confirmés, dont un contacté par Instagram après avoir dévoré son roman, des amis Facebook que je connaissais peu, des personnes rencontrées au téléphone via "Au creux de l'oreille", des amis d'amis, des inconnus.


Vous m'avez livré votre intimité, vous avez pris le temps de faire le bilan, pour certains, c'était la première fois que vous vous livriez autant. Je vous ai lus, face à mon ordinateur, mais également au téléphone, à certains auditeurs de "Au creux de l'oreille" mis en place par le Théâtre de la Colline. J'ai souri, j'ai ri, j'ai pleuré, je me suis questionnée en vous lisant. Ces lettres ont été partagées, elles ont suscité beaucoup d'émotions. Autant pour la lectrice que j'étais et les auditrices et auditeurs qui m'écoutaient. Dans l'intimité de chacun, des différents points de vue, dans le studio de vos cerveaux, je me suis toujours sentie chez moi. Nous sommes reliés, j'en ai bien la preuve. Nous avons vécu, avec notre perception propre à chacun, la même épreuve. Vous étiez seul(e)s, accompagné(e)s, mais je vous certifie que nous étions tous liés par la pensée. Ma mère, ma tante, ma cousine, l'ami de mes amis, mon ancien collègue, vous, moi, et tous les inconnus, dont ceux que nous ne rencontrerons jamais.


Mardi 17 Mars, 11h55. 5mn avant le confinement. Je suis chez ma mère, dans sa cuisine, je regarde l'horloge posée sur le frigo. D'habitude je regarde constamment l'heure qu'il est, car je me dépêche de me préparer, je cours pour ne pas être en retard. Là je prends le temps de rester à la maison. Je ne sais pas ce que l'on va vivre mais je sais qu'il faut rester chez soi. C'est la seule chose à faire. Je regarde l'horloge, le frigo, la cuisine, ma mère, les fenêtres, dehors. Je pense à mes proches, et à tous les futurs confinés que nous sommes. 11h56, j'ai de la chance d'être là, avec une des personnes que j'aime le plus au Monde. J'observe ce bunker, ce huis clos, notre prison dorée. Le kit de survie est prêt : j'ai mon téléphone, mon ordinateur, internet, de la lecture, beaucoup de lecture, de la nourriture, du papier toilette (en quantité raisonnable).

2 semaines, 1 mois, 2 mois ? On ne sait pas. 11h57, je me pétrifie. Plus que 3mn avant le confinement, l'inconnu. Et puis ça file, 11h58, 59. 12h.


Lundi 15 Juin 2020, 11h55. J'ai l'impression de revivre le décompte. Quasiment 3 mois auparavant. Alors est venu le temps de vous répondre. Car dans quasiment chaque lettre, à la fin, j'ai pu lire "Chère Lisa, chère colocataire de pensées de confinement, et toi, comment vas-tu ?"


Cher colocataire de déconfinement,


Je vais bien, merci. J'ai plutôt bien vécu le confinement. Cela a été une respiration à un moment où je suffoquais. J'ai écouté ce que je ne voulais pas écouter, j'ai écrit ce que je ne souhaitais pas lire, j'ai dis ce que je ne voulais pas entendre.

J'ai fait un bilan : suis-je heureuse ? Qu'est-ce que j'ai envie de garder dans mon quotidien ? J'ai analysé ce qui me rendait mal, j'ai identifié ce qui me rendait heureuse. J'ai expérimenté de nouvelles choses, j'ai apprécié les moments avec ma mère, j'ai été très joyeuse, motivée, dynamique, puis angoissée, nerveuse. J'ai tenté de chasser ce qui me nuisait et j'ai essayé de multiplier tout ce qui me procurait du bonheur. Comme par exemple : vous lire. Cela m'a rempli de joie. Nous avons crée ensemble une parenthèse, dans cette grande parenthèse. J'ai rencontré plein de personnes virtuellement, certaines rencontres vont devenir réelles. J'ai appelé des personnes isolées en Ehpad avec ma compagnie. J'ai déconnecté ce que je ne voulais plus dans ma vie, et je me suis connectée autrement. Les appels téléphoniques, Facetime, Skype, Whatsapp ont fait partie de mon quotidien. Eloignés, inconnus souvent, mais connectés. J'ai fait le point. Je me suis écoutée. Comme jamais auparavant.


Cher colocataire de déconfinement,


J'aimerai que tu me dises ; désormais que mets-tu au premier plan ? Quelles sont les couleurs qui composent ta vie ? Quelles silhouettes se sont effacées ? Quels sont les traits des nouvelles ? Es-tu heureux ? Quels sont tes espoirs ? Quel est l'ombre de ton tableau ? Quel est ton paysage ? Es tu reparti(e) sur une nouvelle page blanche ?


Que tu me répondes ou non, cher(e) inconnu(e), je voulais te remercier,


Lisa





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