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  • Lisa Otjacques

Réponse de Pierre-Emmanuel

Dernière mise à jour : 6 mai 2020

Pendant le confinement : pas d'échappatoire possible. Nous sommes face à nous-même. Encore faut-il être prêt pour ce tête à tête imposé, parfois douloureux.

Lettre de Pierre-Emmanuel.


©Lisa Lesourd

" Tout, tout est exacerbé. Je suis à fleur de peau. Mon masque tombe. Si on me voyait ! Enfin moi-même. Cynique, désabusé, blessé, nu."




À toi.

Chaque jour darde son rappel : tu n’es plus là, et il faut vivre. La contradiction me paraît insoluble et pourtant il faudra bien qu’une réponse se fasse jour. Désormais confiné, je doute qu’il suffise d’être seul pour être libre. Je n’y ai jamais cru. La période est propice au deuil ; je courais, je le fuyais, désormais il est installé dans mon fauteuil – je n’ai pas de fauteuil.

Tout, tout est exacerbé. Je suis à fleur de peau. Mon masque tombe. Si on me voyait ! Enfin moi-même. Cynique, désabusé, blessé, nu. Je n’ai même pas pris la peine de me démaquiller ; on voit les couleurs dégouliner sur mon nez pour me laisser tout en sépia. Et ta foutue voix ne veux pas me sortir de la tête, ta douce voix…

Ton absence est sur tous les murs. Et dans mes moments de faiblesse (ils sont nombreux), il me prend l’envie de te rejoindre. Mais ces considérations sont d’un autre temps. Je me sens plus étranger que jamais au monde et ça n’est pas une fierté mais un cessez-le-feu.

Je ne dors plus, tu prends toute la couverture. Tu as toujours eu les pieds froids. Mais toutes les nuits sous mon velux, ma poitrine brûle, ma gorge se resserre comme si ton souvenir m’étranglait, mon cœur se prend pour un jokari. L’air manque, alors j’essaie d’avaler des bulles sur le chemin de la surface.

Bon, en parlant de surface : derrière toi, il y a tout le reste. Tout ce que je ne nommerai pas. Toutes ces ombres qui glissent le long de mes fenêtres quand j’ai l’esprit embué. Les départs irrémédiables, les blessures à vif, et tout ce dont je n’ai pas eu le temps de te parler mais qui est toujours là - et que tu n’as jamais vu, car un sourire cache tout. Ou peut-être est-ce simplement que je n’ai pas eu le temps de te le dire.

Une fois ce constat posé, que puis-je y faire ? Je vais me ressaisir. Ou plutôt, non, tiens, et s’il était temps, pour une fois, d’accepter et non de fuir ? Finis les prétextes. Venez, mes deuils, viens, ma tristesse ; ça fait longtemps que je n’ai pas pris de vos nouvelles. Venez, et racontez-moi tout, je ne vous ai pas bien écouté les dernières fois.

Le reste attendra.

Et toi, dis ? … Comment vas-tu ?

Pierre-Emmanuel

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