- Lisa Otjacques
Réponse de Mathias
Dernière mise à jour : 15 mai 2020
Aujourd'hui jour de "déconfinement progressif", lundi 11 mai.
Et Chers inconnus continue, car nous avons encore tant de choses à écrire, à lire, à écouter, à partager.
"Mon passe-temps favori, c'est laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps, vivre à contretemps." Françoise Sagan
Je vous partage ma citation préférée. J'y ai tout de suite pensé en lisant la réponse de Mathias. Je n'ai pas de réponse favorite, mais je me retrouve parfois plus particulièrement dans certaines. Comme une lettre que j'aurai aimé écrire, voici celle de Mathias.

©Lisa Lesourd
" Il y a un certain luxe à ne pas avoir à employer son temps. Je m'habille dans mon réfrigérateur, je casse un verre sur deux. "
Je suis confiné, Je me souviens des vagues émises, lorsque la mer s'échoie sur la plage. Durant tout l'été, elles écument le temps pour le rendre à la pureté du vide, la saison des vacances est finie. L'automne peut balayer cette longue inhalation de l'espace et la rendre plus palpable dans la solitude grise des distances asséchées par l'air de la mer. La mer court jusqu'à l'horizon et balaie l'immensité du temps qui s'écoule dans l'espace pour la fondre dans l'instant. L'eau écumeuse fuse en glissade sur la plage lisse et tente de déverser les algues qui agrippent au refoulement des vagues, pour replonger à l'intérieur de l'océan. Un courant au large, tourbillonne à la surface pour disparaître dans les profondeurs. Les terrains vagues longent la grève, recouverts par leurs longues herbes disséminées à la répartition disparate, séparées par des zones inquiètes et abandonnées par la pensée. Les rues désertes ne sont plus traversées que par le vent qui fait grincer l'articulation d'un vieux panneau rouillé dont le couinement se propage dans les rues comme si il en avait été toujours que l'unique sonorité. Une femme, les mains posées sur son portail, à l'intérieur des terres, contemple le crépuscule de l'été qui installe les jours dans une lumière vespérale, rendue comme sombre par l'hiver. Le vent cherche les promeneurs malades abrités sous des cabanes à moitié écroulées, des distances à parcourir des distances à abandonner, j'arrive dans une clairière gigantesque, d'au moins trente mètres de diamètre peut-être quarante. L'étendu est si vaste j'en suis comme étourdi. L'obscurité semble renfermer un gouffre de douceur criant des obscénités d'amour. Je retiens mon souffle quelques instants et j'expire tranquillement. Je prends soin de respirer lentement en retenant le souffle de mon émotion pour ne pas déranger le silence. Je suis confiné, Je noie la moitié d'un Palmito dans du lait chaud, j'écoute Lou Reed, Brian Eno, Nick Drake Plastiskman, The Smiths et Robert Wyatt. Donald Duck et Bambi sont toujours parmi mes phobies. Ma pensée va vers ce qui n'existe pas, Apollinaire disait que "rien n'était mort que ce qui n'existait pas encore". J'aime dormir au milieu des livres et entendre dans chaque page une promesse de soulèvement. L'accomplissement d'un rêve, se trouve dans la parole d'un autre. Je regarde des films : Leto, Leave no Trace, Mindsommar, Winter's Bone, Les Eternels des séries Succession, Babylon Berlin, Euphoria, The Leftovers, Westworld, je lis Plus Fort que Moi de Guillaume Dustan qui "arrive quand même à faire de l'effet. Maintenant les mecs cherchent quasi systématiquement à remettre ça. Tout est parfaitement mis au point. C'est sans doute pour ça que ça ne marche plus. Ce n'est pas le plaisir qui m'a absorbé jusque ici, mais l'apprentissage". J'ai des réponses pleines d'imagination sur Facetime " Mélodie tu es à damner en short". Je dessine un lieu qui n'appartient à aucun pays, où les rêves débordent à chaque endroit, la Seine y roule des baisers en ruban d'eau. Il y a un certain luxe à ne pas avoir à employer son temps. Je m'habille dans mon réfrigérateur, je casse un verre sur deux. J'aime un horizon qui m'échappe, je compte les nuages dans un ciel bleu lavé par la pluie. je suis comme Alice aux pays des merveilles si "il est impossible de penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose". Bonne soirée, Bien à vous, Mathias